Chère camarade Ségolène

Chère camarade Ségolène
Je vous passe un écrit d'un ami, que j'ai trouvé percutant (et percuté, mais il l'a cherché, il milite au PS, le pauvre !)

Chère camarade Ségolène,

Je me permets de te tutoyer, comme il sied entre camarades du Parti.

Ceci dit, quelques questions me viennent.

De ce que je lis dans les articles parlant de ton livre, je trouve confirmation de ce que déjà je craignais. Effectivement, tu racontes une « belle histoire ». Mais colle-t’elle avec la réalité ?

Où était ta volonté de parité quand tu (compagne à l’époque du 1er secrétaire, ce qui sûrement n’a pas dû peser quand on connaît le fonctionnement de notre parti), as été la seule présidente de région socialiste au milieu de la vague rose ? Que n’as-tu, à l’époque, et tu en avais le pouvoir, argumenté en faveur de plus de représentantes féminines à ce niveau ? Cela n’aurait-il pas davantage montré une volonté de parité, faisant taire les mauvaises langues qui affirment que tu instrumentalises la parité pour ton usage personnel ?

Dans le même esprit, n’aurait-il pas été plus judicieux de ne pas t’entourer majoritairement d’hommes dans ta campagne (3 directeurs de campagnes hommes, 3 porte-parole hommes, sauf vers la fin, où tu as choisi une porte-parole - candidate aux législatives qui a été imposé aux militants de sa circonscription, au nom de la diversité, quand, au même moment, une autre candidate issue de la diversité et soutenue par le vote des militants était écartée au nom d’accords dans une circonscription voisine) ? Nous savons tous dans le parti qu’il ne manque pas de femmes capables, aurais-tu manqué de confiance en elles, que tu n’ais pas fait la parité dans ton équipe ?

Pourquoi aucun de tes conseillers ne t’a fait cette remarque marketing pleine de bon sens : « on ne vante pas une qualité qui se voit », ce qui aurait évité que tu lasses en abusant de l’argument de ta féminité, qui se voit, et de belle façon ? Les français sont prêts à élire une présidente, à condition qu’elle convainque sur d’autres points que sa seule féminité, ne le pense-tu pas ? Sinon, pourquoi te présenter ?

Pourquoi as-tu sciemment écarté le parti socialiste de ta campagne ? Pourquoi avoir faite ta campagne avec un QG de campagne hors du siège du Parti, quand tu avais, lors de la campagne interne de désignation, au contraire promis de faire du 10 rue de Solférino ton QG ? Y aurait-il une Dr Ségolène et une Mrs Royal ?

Pourquoi, au lendemain de ton élection en interne au Parti, as-tu décliné les propositions de tes adversaires vaincus, qui pourtant t’ont tous deux appelés pour te proposer leurs services ? T’a-t’il vraiment fallu 2 mois pour finalement accepter ? Ne pense-tu pas que se sentir rejeté était une bonne raison pour « faire la tête » ? Et pourtant, quand, à cause de ta baisse dans les sondages, tu as fait appel à eux, n’ont-ils pas été là ? L’enthousiasme manquait, il est vrai, néanmoins, ils étaient là, et saurons nous jamais ce qu’il en aurait été si tu les avais convié à ta campagne dès le début ?

Comment croire en ta volonté de rénover le Parti Socialiste quand tu as été soutenu par une majorité de barons du Parti, maires de grandes villes, présidents de régions, qui montrent dans les campagnes internes actuelles à quel point ils croyaient en ton exigence démocratique, en se faisant désigner tête de listes, aux mains libres de nommer qui ils veulent sur leurs listes ? Comment peux-tu dire que tu t’es battu contre les éléphants quand tu as été soutenue par une majorité d’entre eux ? Et il me semble que tu ne peux l’ignorer, puisque sinon jamais tu n’aurais pu gagner la désignation interne, non ?

Aurais-tu été la seule à ne pas voir que l’offre d’adhérer à 20 euros, tombant au moment où tu étais le plus haut dans les sondages, paraissait vraiment faite pour faire rentrer tes sympathisants, gonflés de bien des membres de cabinet non encore encartés ? Plus de 20 ans élue, compagne du Premier Secrétaire, et tu n’aurais pas vu cela ? Serais-tu plus naïve que moi, qui crois encore aux fondamentaux de notre parti ?

Comment croire en ta volonté de tenir tes engagements, quand il ne t’a pas fallu quinze jours après le second tour des législatives pour annoncer que tu n’aurais pas respecté deux promesses phares de ton programme, issues du programme du PS, voté par les militants, et que tu t’étais engagé, lors du vote interne, à faire tien et à mener ? N’as-tu pas l’impression d’avoir quelque peu alimenté les craintes des électeurs qui pensent que les hommes politiques (et, dans le cas présent, les femmes) ne tiennent pas leurs engagements ?

Pourquoi n’as-tu pas tiré parti des leçons de l’échec de 2002 pour éviter ce qu’au contraire nous avons pu constater, amplifié par le nombre, à savoir une course en interne de tes partisans pour écarter ceux qui auraient pu leur faire de l’ombre pour une éventuelle promotion ? Aurais-tu réellement été aveugle à cela ? Aurais-tu ignoré que tu t’étais, à une plus grande échelle encore que Jospin, entourée de courtisans qui se partageaient déjà les places, avant même que d’avoir gagné, et qui, comme tous les courtisans, ne t’ont pas prévenu de tes erreurs (il ne fait pas bon être porteur de ce genre de message…)

Pour rénover le Parti Socialiste, je lis que tu vas jusqu’à prendre les conseils d’une ancienne « plume » de Jean-Pierre Raffarin ? N’y a-t’il donc vraiment rien qui trouve grâce, à tes yeux, dans le Parti ? Considères-tu à ce point là qu’il n’y ait rien à y prendre de bon ?

Enfin, chère camarade, vas-tu nous prouver ta volonté si hautement affichée lors de la désignation interne d’être la porteuse de la démocratie, d’être la porteuse du social, vas-tu demander à tes soutiens de respecter cette démocratie en leur demandant de faire voter listes, programmes, et projets d’alliances par les militants ? Ces militants qui, rappelle-toi, ont voté à 60% pour toi, donc, devraient trouver grâce à tes yeux ?

Au fait, qu’est-ce qui t’as fait penser que la majorité du PS voulait s’allier au centre, quand, 15 jours avant le 1er tour des présidentielles, les mots d’ordres étaient de dénoncer le fait que Bayrou était à droite ?

Cher Ségolène, je n’ai rien d’un éléphant, rien d’un éléphanteau, d’un lion, ou d’un baron. Mais je suis rentré dans un parti qui avait des convictions, des statuts, des exigences démocratiques. J’ai gardé mes convictions, notamment démocratiques, ce qui m’a beaucoup plus souvent coûté que rapporté, et perdu mes illusions. Néanmoins, toi qui t’es faite le héraut d’une exigence démocratique, peux-tu nous prouver que tu penses ce que tu promets ? Es-tu consciente de la justesse de cette formule qui dit que « des traces de pas sont plus faciles à suivre qu’un doigt pointé » ?

Allez, amitiés socialistes, comme on dit...