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 RSA : qui paiera vraiment

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JLH

JLH


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Date d'inscription : 02/06/2006

RSA : qui paiera vraiment Empty
MessageSujet: RSA : qui paiera vraiment   RSA : qui paiera vraiment EmptyDim 31 Aoû - 14:12

Ainsi, le Revenu de Solidarité Active sera financé par une taxe assise sur les revenus du capital. Ce mode de financement cloue le cercueil de tout débat sérieux sur ce mécanisme d'aide aux plus pauvres; prendre aux riches pour donner aux nécessiteux, tout en incitant ces derniers à travailler et se réinsérer ainsi dans la société, qui peut oser être contre ? Pas grand monde, si l'on en juge par l'unanimité de la classe politique et des commentateurs de la mesure.


Certaines voix discordantes se font entendre, remarquant par exemple que le bouclier fiscal isolera les plus hauts revenus de ce financement; mais ces critiques sont noyées par avance par le vocabulaire employé. «Taxer le capital», «aider les pauvres» et «réinsertion» contiennent une telle charge émotionnelle qu'il devient impossible de critiquer le mécanisme sans se voir immanquablement, entre autres amabilités, traiter de suppôt du patronat dépourvu de compassion. C'est dommage : car l'un des principes de base de l'économie, c'est que les choses ne sont souvent pas ce qu'elles semblent être – et le RSA et son mode de financement ne font pas exception.

Qui paiera la taxe sur les revenus du capital servant à financer le RSA ? Spontanément, on se dit que ceux qui paieront la taxe sont ceux qui y sont assujettis, c'est-à-dire les gens qui perçoivent des revenus du capital, à l'exception de ceux qui reçoivent de tels revenus qui, pour une raison ou une autre, sont exonérés (les livrets A, ou les bénéficiaires du bouclier fiscal). Mais cette réponse immédiate néglige les règles de base de l'analyse économique de l'incidence fiscale, expliquées très clairement dans ce post du blog Ecopublix.

La première règle est la suivante : ceux qui paient effectivement une taxe ne sont pratiquement jamais ceux qui la paient légalement. La raison en est simple : pour que ceux qui sont supposés payer la taxe la paient effectivement, il faudrait que suite à l'apparition de la taxe, rien d'autre ne change ; c'est-à-dire que les entreprises ne modifient ni la rémunération de leurs apporteurs de capitaux, ni celle de leurs salariés, ni les prix de leurs produits. En pratique, cela ne se produit presque jamais. Ceux qui apportent des capitaux aux entreprises attendent de ceux-ci une certaine rémunération, et calculent cette rémunération après impôts. S'ils constatent que cette rémunération diminue, ils seront incités à réduire leur épargne, ou porteront celle-ci vers les entreprises apportant une rémunération supérieure, pour compenser leur manque à gagner. Toutes les entreprises devront alors s'ajuster et élever la rémunération des capitaux investis. Comment s'y prendront-elles ? Elles ont deux possibilités pour reporter ce coût sur d'autres. La première consiste à réduire la rémunération du travail (par exemple, en restreignant les augmentations salariales futures), la seconde à élever les prix de leurs produits pour faire payer les consommateurs.

Au total donc, la réponse à «qui paiera cette taxe» est a priori indéterminée : elle dépend du fonctionnement et du degré de concurrence relatif régnant sur les différents marchés, et des réactions des agents économiques sur ceux-ci. Supposons que la réaction des apporteurs de capitaux à l'apparition de la taxe soit très forte : dans ce cas, les entreprises seront obligées de reporter celle-ci sur ses salariés et ses clients. Supposons que le pouvoir de négociation des salariés soit très fort, plus grand que celui des apporteurs de capitaux : il sera alors impossible de faire peser la taxe sur les salaires, apporteurs de capitaux et clients paieront. Supposons que les entreprises se trouvent sur des marchés de biens et services très compétitifs, qui leur interdise toute hausse des prix sous peine de voir fuir leurs clients : dans ce cas, les apporteurs de capitaux et les salariés paieront.

En somme, déterminer l'incidence d'une taxe nouvelle implique de comprendre une sorte de jeu du Mistigri, dans lequel chacun, en fonction de son pouvoir de négociation, cherche à faire passer la taxe à quelqu'un d'autre ; celui qui n'a pas cette possibilité sera celui qui, finalement, paiera effectivement la taxe. C'est le second principe de l'incidence fiscale : celui qui paie la taxe est celui qui ne peut pas la faire payer par quelqu'un d'autre.

Dans ces conditions, affirmer que la taxe finançant le RSA est un «effort» demandé aux détenteurs de capitaux n'a strictement aucun sens. Tout dépend de leur capacité à reporter l'effort en question sur d'autres. Et étant donné la situation de l'économie française, le pouvoir de négociation des salariés des entreprises et de leurs clients, on peut être extrêmement sceptique sur l'ampleur de l'effort qui sera finalement réellement supporté par les détenteurs de revenus du capital.

Quand bien même cet effort serait effectivement supporté par les revenus du capital, cette taxe est-elle une bonne idée ? La réponse de l'analyse économique, là encore, est négative. Comme le rappelait l'économiste Bernard Salanié, taxer les revenus du capital, dans le cas général, est une mauvaise idée. Cette règle de base s'explique de la façon suivante : les revenus du capital sont issus d'une épargne passée, qui finira par être dépensée; dès lors, taxer spécifiquement les revenus de cette épargne aboutit à les taxer deux fois, créant une distorsion qui pénalise l'épargne. Il y a évidemment des exceptions nombreuses à cette règle de base; en particulier, le fait qu'une bonne part des revenus des capitaux sont en fait des revenus hérités, et non épargnés. Mais ce cas signifie qu'il faut taxer plus fortement les successions – exactement l'inverse de ce qui a été fait par le gouvernement, qui aura accru la fiscalité pour ceux qui accumulent un patrimoine par l'épargne, et réduit pour ceux qui l'obtiennent par héritage. Un système d'incitations bien étrange.

Au total, le mode de financement choisi pour le RSA n'a rien de spécialement attrayant. Il est peu probable qu'il soit, comme affiché, supporté par les revenus élevés ; il pénalise l'épargne et va ajouter une louche supplémentaire de complexité et d'effets distorsifs à un système fiscal français qui n'en avait vraiment pas besoin.

Cependant, dès lors que le principe de mise en oeuvre du RSA était acquis, il fallait s'attendre à ce genre de choses. Dès lors qu'il implique des dépenses publiques nouvelles, il implique inéluctablement des impôts nouveaux; un autre principe d'analyse économique des budgets publics rappelle que dépenser, c'est taxer. Dans ces conditions, les dépenses nouvelles allaient inéluctablement peser sur la population dans son ensemble, faisant supporter le poids à ceux qui n'ont pas la capacité de le transférer à d'autres. S'interroger sur le financement du RSA est donc secondaire pour évaluer l'impact de cette mesure. La vraie question est donc de savoir quels seront les effets du RSA.

On en avait parlé dans ces pages; lutter contre la pauvreté implique des arbitrages, qui sont nécessairement difficiles. Dans son mode de fonctionnement actuel, le RSA vise à accroître les incitations au travail en réduisant les taux marginaux d'imposition très élevés que subissent les bas revenus (on se reportera, là encore, au blog Ecopublix pour une présentation détaillée des enjeux du RSA); au passage, il y a le risque de voir le mélange actuel de trappe à pauvreté/trappe à inactivité qui caractérise le système actuel d'aides aux plus pauvres par une trappe à bas salaires. Le RSA incite en effet les bas revenus à prendre une activité; mais au passage, il élève l'imposition marginale de certains des bas revenus, réduisant l'incitation de ceux-ci à accroître leurs revenus futurs par des emplois mieux rémunérés ; il y a donc un risque de voir les personnes à bas revenu coincées dans des emplois mal payés, effectués à temps très partiel. Cela risque d'accroître la volatilité de leurs revenus en soumettant ceux-ci aux fluctuations macroéconomiques; et l'effet «d'insertion dans le marché du travail» de tels emplois est faible. Le RSA, enfin, avec sa volonté de ciblage des aides sur ceux qui travaillent, risque d'élever encore la complexité du système d'aides aux plus pauvres, au contraire des objectifs qu'il poursuit. Il est dommage que l'unanimité sur le RSA, acquise à grands coups de symboles écrasants, prive de l'occasion de débattre sur les objectifs réellement attendus des politiques de lutte contre la pauvreté
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