Les méfaits collectifs de la cupidité individuelle
C'est une petite phrase au détour de l'interview que nous a accordée la semaine dernière, le patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn. "La question des rémunérations n'est pas marginale : contrôlons les gains des financiers, on contrôlera aussi la finance", disait DSK dans Le Journal du Dimanche de la semaine dernière.
C'est une petite phrase au détour de l'interview que nous a accordée la semaine dernière, le patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn. "La question des rémunérations n'est pas marginale : contrôlons les gains des financiers, on contrôlera aussi la finance", disait DSK dans Le Journal du Dimanche de la semaine dernière. Les dirigeants européens vont dans ce sens puisque les décisions macroéconomiques annoncées samedi soir comportent un volet sur les rémunérations des opérateurs.
Les dirigeants politiques le sentent: il y a quelque chose de révoltant à voir les thuriféraires du libéralisme (aux Etats-Unis!) se mobiliser pour sauver les banques et les organismes financiers et que l'on laisse impunis des banquiers qui ont été soit incompétents, soit tricheurs, voire les deux? Cette question se pose maintenant dans le monde entier.
Voilà un débat classique en économie. Cela s'appelle l'aléa moral -moral hazard en anglais. Une notion bien connue des assureurs: plus on est assuré, moins on prend de précautions. C'est vrai pour la conduite automobile, quand on est assuré tous risques, on conduit moins prudemment. Ou quand on assure une maison, on met moins de serrures. Quand on a une bonne mutuelle, on change plus souvent de lunettes.
Le président démissionnaire de la banque Dexia, sauvée par les pouvoirs publics français, belges et luxembourgeois, a annoncé vendredi qu'il renonçait aux indemnités prévues dans son contrat de départ, un parachute doré de 3,7 millions d'euros. Et le président de la République a exigé vendredi que le patronat présente "avant mardi" ses propositions sur les parachutes dorés. Le Medef doit rendre publiques ses propositions lundi matin sur un sujet sur lequel sa présidente, Laurence Parisot, s'est toujours montrée en avance sur ses troupes. Aux Etats-Unis, on s'interroge aussi sur les hauts salaires. Jusqu'à présent, la reconnaissance des talents dans un environnement international concurrentiel était la raison avancée pour justifier les fortes rémunérations des dirigeants. Mais le ton a changé.
Les deux candidats à la Maison blanche, Barack Obama et John McCain, se sont prononcés pour la limitation des salaires des dirigeants. Et le plan Paulson prévoit désormais de bloquer le versement de primes aux dirigeants ayant pris de mauvaises décisions. Il plafonne les indemnités de départ, les fameux "parachutes dorés" qui font aussi débat en France. L'économie repose sur la somme de comportements individuels. C'est bien pour cela que le débat sur les rémunérations et sur la cupidité en économie n'est pas un débat anodin. Des patrons excessivement payés n'agissent qu'en fonction de leur propre situation.
Une raison de fond de cette crise, c'est bien la cupidité des dirigeants qui les a conduits à faire de plus en plus de haute voltige. Et à mettre en péril l'économie mondiale par appât du gain. Vices privés, dangers publics: la prise de conscience mondiale a commencé.
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