La nouvelle patronne du PS peut-elle encore sauver le socialisme français? GAUCHE | Après l’élection de sa première secrétaire, le principal parti de l’opposition doit surmonter bien des difficultés. Interview du politologue Rémi Lefebvre. «Le PS subit actuellement une telle pression que la nouvelle patronne du parti devra rapidement donner des signes, au moins symboliques, de changement», analyse le politologue Rémi Lefebvre.
Pour la première fois, le Parti socialiste français sera dirigé par une femme. Les militants l’ont voulu ainsi en mettant face à face, Ségolène Royal et Martine Aubry au second tour de l’élection au poste de premier secrétaire national. Mais ce scrutin, qui s’est terminé cette nuit, laissera de profondes cicatrices.
Professeur en sciences politiques à l’Université de Reims et spécialiste du socialisme français, le politologue Rémi Lefebvre nous définit les grandes lignes du futur PS.
Quelles seront les premières mesures que prendra la nouvelle direction?Le PS subit actuellement une telle pression que la nouvelle patronne du parti devra rapidement donner des signes, au moins symboliques, de changement. Cela se traduira en premier lieu par le renouvellement des équipes de direction. Pour ce faire, elle puisera dans le vivier, assez abondant, de jeunes responsables aguerris aux combats politiques. De même, il faudra donner des signes d’apaisement à l’endroit du camp adverse et inclure dans la nouvelle direction des partisans de la candidate battue.
Cette élection n’a pas révélé un axe majoritaire. On ne peut écarter le péril de voir une nouvelle première secrétaire faible qui ne serait pas en mesure d’imposer ses orientations.
Existe-t-il un risque de scission?Ce n’est pas envisageable, à mon point de vue. Le Parti socialiste reste une puissante machine électorale qu’aucun présidentiable ne prendra le risque de briser. Personne n’a envie de casser ce jouet. Il est souvent déréglé. Mais il fonctionne! Trop de gens dépendent professionnellement de ce parti pour qu’il soit anéanti par une scission.
Comment le PS français peut-il rebondir?Il faudrait d’abord que ses membres, notamment dans les régions, prouvent leur envie réelle de conquérir le pouvoir national! N’oubliez pas que le PS est un parti de notables. Un adhérent sur deux est un élu. Si vous ajoutez les collaborateurs de ces élus et leurs familles, cette proportion serait encore plus importante. Ces responsables veulent surtout continuer à gérer leurs communes, leurs villes, leurs départements et leurs régions. Si le PS parvient à l’Elysée, ils savent bien qu’ils risquent de perdre ce mandat. Le Parti socialiste n’a jamais été aussi puissant sur le plan local.
Dès lors, pour inverser cette tendance, la nouvelle direction devra démêler cet écheveau de luttes pour les places et réaffirmer une autorité centrale sur le plan national. L’ancien premier secrétaire François Hollande avait perdu toute autorité sur le parti. Il faudra donc que le centre retrouve son pouvoir d’attraction sur la périphérie du PS et persuade tous ces élus locaux de placer au premier plan la conquête du pouvoir national. Cela ne sera certes pas facile à mettre en œuvre. Mais le PS ne saurait rester éternellement un parti municipal.
Vers quelles couches de la population le PS doit-il diriger sa stratégie?Deux options s’offrent à la nouvelle direction. Soit reconquérir l’électorat populaire. 52% des ouvriers ont voté pour Nicolas Sarkozy! Dans ce domaine, il existe une bonne réserve de voix. S’il choisit cette stratégie, le PS doit reprendre contact là où il a perdu pied, à savoir les syndicats, les mouvements sociaux, les entreprises. Soit il décide de miser sur les classes moyennes et supérieures en se profilant vers le centre, devenant ainsi une sorte de Parti démocrate.
Mais alors, le PS se retrouve en ce cas dans l’orbite de François Bayrou et de son MoDem…François Bayrou est le grand vainqueur du Congrès de Reims, c’est évident! Son but est de devenir le seul opposant de Nicolas Sarkozy au second tour de l’élection présidentielle, et pour cela il doit «manger» le PS. Or, tous les orateurs du congrès socialiste se sont déterminés par rapport à lui. Ce qui était le meilleur moyen d’entrer dans son jeu et d’en faire le pivot de l’opposition.
Quel avenir pour le troisième candidat, Benoît Hamon?C’est l’un des rares socialistes à sortir renforcés du congrès de Reims. Il y a acquis une notoriété qu’il n’avait pas avant d’affronter Ségolène Royal et Martine Aubry. De plus, la gauche du PS qu’il représente a su rester unie, ce qui offre un singulier contraste avec les autres clans du parti. Nul doute que la nouvelle direction devra compter avec lui