Jack Lang en « bon soldat » du PS, réclame de l'amour, de la tendresse
Est-ce l'actualité qui ne l'a pas lâché, ou plutôt lui-même qui a tout fait pour ne pas en sortir ? En tout cas, Jack Lang n'a pas beaucoup respiré cet été. « Pas suffisamment. Je vais maintenant couper quelques jours. » Mais, avant de partir, il lance cette semaine son dernier livre (voir ci-dessous) et également, au passage, quelques piques à l'encontre de ses camarades socialistes.
- Quatre semaines après le vote du Congrès, où vous avez été le seul socialiste à appuyer la réforme constitutionnelle, comment vous sentez-vous ?
« Je suis bien dans ma peau. J'ai vu qu'un sondage révèle que les Français me soutiennent largement, à 58 %, je crois (53 %, selon un sondage CSA paru le 23 juillet dans Le Parisien). Sans l'avoir cherché, cet épisode m'a apporté un surcroît de popularité, peut-être de crédit. »
- Vous avez pourtant voté un texte qui n'était plus tout à fait celui que vous aviez inspiré.
« Mais il y reste des avancées démocratiques, et elles sont toutes bonnes à prendre. Ce n'est pas le texte de mes rêves, mais puisque ni la gauche ni la droite ne veulent un changement de régime, qu'il n'y aura jamais de grand soir institutionnel, il faut savoir se contenter des acquis. C'est comme un syndicat, au terme d'une discussion, qui se dit : "Nous empochons au moins ça !" Cela vaut mieux que l'attitude des dirigeants du PS qui, étape après étape, à chaque proposition répondaient systématiquement : "Niet, niet, niet !"... »
- Les réactions au sein du PS vous ont-elles touché ?
« Seules m'importent celles de mes camarades du Pas-de-Calais, qui ont été plutôt mesurées. Les dirigeants nationaux, le même petit groupe qu'à l'habitude, ont plutôt manqué de dignité. Je suis plutôt blessé pour eux. Pour moi, le socialisme, c'est autre chose : l'amour, la tendresse, pas la haine. Je répète que l'important pour moi est l'estime de mes camarades du Pas-de-Calais. »
- Certains ont pourtant signé un texte désapprouvant votre choix. Et Serge Janquin a dit qu'il ne voulait plus de parachuté...
« Ils ne pouvaient pas faire autrement. Ce n'est pas bien méchant. Et puis, Serge Janquin m'a invité chez lui, depuis. Nous nous sommes parlé. »
- Pensez-vous que tout cela laissera des traces ?
« Je n'en sais rien. Mieux vaut oublier, et rêver à un autre Parti socialiste. Un PS où le mot fraternité figurerait au fronton. En tout cas, pour reprendre Racine, je dirais que je n'ai mérité ni cet excès d'honneur, ni cette indignité. »
- Serez-vous à l'université d'été du PS, à La Rochelle ?
« Je n'en sais rien. J'ai besoin de réfléchir. Je préfère préparer la rentrée sur les sujets qui seront importants, comme l'éducation notamment. D'où ce livre. Je pense également aux petites communes de notre région qui vont beaucoup souffrir. Avec le désengagement de l'État, les collectivités locales vont être en grande difficulté. Le budget qui se prépare sera désastreux pour beaucoup de communes du Nord et du Pas-de-Calais aux revenus faibles. Il va falloir se battre, et je reste un opposant déterminé à ce gouvernement. Sur ces sujets, comme sur ceux des sans-papiers, de la politique de sûreté ou de l'économie. Quelle connerie il a faite d'appauvrir l'État (le président Sarkozy, au sujet du paquet fiscal). C'est une politique absurde, quand on a une dette, on n'appauvrit pas l'État ! »
- Avez-vous choisi de vous engager, en vue du congrès du PS ?
« J'ai déjà dit le bien que je pense de la contribution de Martine Aubry. C'est une personnalité qui peut nous apporter une respiration nouvelle. Elle est expérimentée, de veine sociale et d'inspiration intellectuelle. Mais je ne veux pas m'imposer. Je ne veux en aucune manière nuire à son combat. Un jour viendra où je me retrouverai aux premières loges, mais pas forcément aujourd'hui. Tout ça s'arrangera : c'est une direction sortante qui a mené cette stratégie... »
- On a beaucoup dit que vous vous positionniez pour obtenir éventuellement un poste, comme celui de défenseur des libertés. Qu'en est-il ?
« Cela vient de personnages malveillants. C'est tellement banal, je ne m'en offusque pas. mais autant j'ai pu accepter de faire partie d'une commission pluraliste, avec d'autres personnalités de gauche, autant je ne peux accepter une fonction officielle liée au gouvernement. C'est impossible, j'aurais le sentiment de trahir mes convictions. La question ne se pose même pas ! »
- Trahison, c'est justement un mot qu'on a entendu à votre propos, notamment de la part de Ségolène Royal...
« Qu'on ne vienne surtout pas me donner des leçons, j'ai toujours été un bon soldat. Pourtant, après l'élection présidentielle, j'aurais pu écrire un best-seller. Car enfin, si le PS avait été autrement animé, Sarkozy n'aurait jamais été président. C'est vrai, après tout : pourquoi avoir coupé les ailes de Lionel Jospin, de Dominique Strauss-Kahn ou de moi-même ? Ce parti ne s'est jamais livré à une autocritique collective. La faute aux dirigeants qui, à défaut de s'aimer, ne se respectent même pas... » •