Moscovici et Aubry prêts
à s'allier pour prendre le PS
Martine Aubry et Pierre Moscovici souhaitent défendre une ligne «réformiste», refuser «la présidentialisation du parti» et accepter l'organisation d'une «primaire» ouverte aux sympathisants pour désigner le candidat du PS en 2012.
La maire de Lille et l'ancien ministre envisagent une motion commune au congrès de Reims.
Les forces d'attraction se mettent en branle. Alors que les socialistes s'apprêtent à partir en vacances, les 250 pages des 21 contributions pour le congrès de Reims sous le bras, de premiers rapprochements se sont amorcés. Entre Bertrand Delanoë et Ségolène Royal, les deux présiden-tiables du moment, d'autres tentent de se frayer un chemin.
Martine Aubry et Pierre Moscovici, qui ont déposé chacun une contribution au début du mois, espèrent pouvoir forger le cœur d'une nouvelle majorité. «Il nous a semblé possible de se rapprocher», ont-ils conclu au terme d'une réunion, mardi, à laquelle participait aussi l'ancienne garde des Sceaux, Marylise Lebranchu. Base de leur accord : défendre une ligne «réformiste», refuser «la présidentialisation du parti», accepter l'organisation d'une «primaire» ouverte aux sympathisants pour désigner le candidat du PS en 2012. L'idée d'une motion commune sera soumise aux membres de ces courants à la fin de l'été.
Motion Aubry ou motion Moscovici ? Pour rendre possible ce rapprochement, la question du premier signataire de cette motion, candidat potentiel au poste de premier secrétaire, n'a pas été réglée : «Nous ne préjugeons de rien, même si chacune de nos contributions a à l'évidence sa préférence sur le candidat au poste de premier secrétaire. Notre choix devrait être celui de l'efficacité au sein de ceux qui auront initié le changement.»
Pierre Moscovici défend toujours sa candidature. «J'espère, légitimement, avoir sur ce point le soutien de tous les signataires de [sa contribution] “Besoin de gauche”», écrit-il dans un courrier adressé aux membres de ce courant social-démocrate, rassemblant les anciens amis de Dominique Strauss-Kahn. Un rappel qui n'est pas si évident, puisque, au sein de ce courant, certains, comme Jean-Christophe Cambadélis (et d'autres), sont davantage convaincus qu'une candidature de Martine Aubry puisse l'emporter. Pour l'instant, elle n'a pas révélé ses intentions. Dans les sondages, elle est loin devant Moscovici. Mais elle est toujours derrière Delanoë et Royal.
Derrière la question du nom, il y a une divergence stratégique. Pierre Moscovici voudrait ouvrir en même temps des discussions avec «les grands élus» qui ont signé la contribution de Gérard Collomb, le maire de Lyon. Ils sont réticents à soutenir Aubry, qu'ils jugent aussi «présidentiable» que les autres… Pour le reste, Moscovici ne ferme pas la porte à Bertrand Delanoë avec qui il est «juste de parler», pas plus qu'avec «d'autres ensuite», sans plus de précision.
«Pas de passager clandestin»
Précisément, pour remporter le congrès, Jean-Christophe Cambadélis et Martine Aubry voudraient poursuivre les discussions avec la sensibilité de Laurent Fabius. Cambadélis voudrait arrimer l'ancien premier ministre à une majorité réformiste et éviter que, contraint par la marginalisation, il ne renforce le poids de la gauche du parti. Mais Pierre Moscovici n'est pas d'accord. «Dans notre rapprochement avec Martine Aubry, il n'y a pas de passager clandestin», assène-t-il, au nom de la cohérence idéologique.
Quid de Ségolène Royal et François Hollande ? Un rapprochement entre l'ancienne candidate et la maire de Lille, qui se détestent, est a priori improbable. Beaucoup veulent aussi exclure le premier secrétaire. «Nous critiquons son bilan», résume le député de Paris Jean-Marie Le Guen, partisan de la stratégie de Cambadélis. Pierre Moscovici est plus diplomate : «Il faut refuser l'immobilisme perpétuel», dit-il. Mais il ajoute : «François Hollande a sa place dans la majorité. Mais ce n'est pas à lui de la faire.»
Pourtant, c'est bien l'ambition de l'actuel premier secrétaire. Dans Libération, lundi, ses proches ainsi que des signataires de contributions différentes ont lancé un appel commun «pour un Parti socialiste cohérent et solidaire». Ils voudraient aussi constituer un pôle majoritaire. Parmi eux figure notamment Pierre Mauroy. L'ancien premier ministre soutient pour l'instant le texte de Martine Aubry.
Sur un point essentiellement, les signataires de cet appel se distinguent du camp Aubry-Moscovici : «Les militants du PS doivent rester les seuls dépositaires, par leur vote, du choix du candidat pour l'élection présidentielle. Cette option n'exclut pas la perspective, dans un second temps, d'une primaire avec les autres partis de gauche.» Une main tendue au maire de Paris Bertrand Delanoë qui partage la même position…
Alors que les uns et les autres échafaudent des stratégies d'alliance pour relancer le PS, les partisans de Ségolène Royal ont choisi de tracer leur chemin seuls. Et de s'en prendre à l'adversaire : Nicolas Sarkozy. Dans une tribune parue hier dans Le Monde, ses plus proches, Vincent Peillon ou Jean-Louis Bianco, répondent à ceux, comme Manuel Valls, qui avaient critiqué «l'antisarkozysme pavlovien» du PS lors du débat sur la réforme des institutions. Dénonçant l'action de la «droite décomplexée», ils écrivent : «La politique d'un tel pouvoir ne se divise ni ne s'épluche comme les quartiers d'une orange. Elle est un bloc. Nous nous opposerons chaque fois que nécessaire. Il ne faut pas confondre la fermeté avec le sectarisme.» Dans l'entourage de Laurent Fabius, on voit là une façon de renouer avec la stratégie d'opposition frontale.