Vent de panique sur les Bourses mondiales, appel à un nouveau Bretton WoodsUn vent de panique soufflait jeudi sur les marchés mondiaux, après les pires chutes depuis 1987 à Tokyo et New York, tandis que l'Europe s'apprêtait à appeler solennellement à un "nouveau Bretton Woods" pour réformer le système financier mondial.
Après les plongeons de 11,41% à Tokyo et de 7,87% à New York, les Bourses européennes se préparaient à une nouvelle journée noire: Londres, Paris et Francfort perdaient toutes plus de 5% un quart d'heure après l'ouverture des transactions à 07H00 GMT.
"C'est clairement la panique et elle va durer", a prophétisé Clifford Bennett, économiste en chef chez Sonray Capital Markets à Melbourne.
Les autres marchés d'Asie ont subi jeudi la même descente aux enfers. En clôture, Séoul a perdu 9,4%, Sydney 6,7% et Shangai 4,25%. A la mi-journée, Hong Kong perdait 7,6%. Dans le Golfe, les Bourses étaient également en chute libre, à l'image de Dubai qui perdait plus de 6%.
A la crise financière s'ajoute la menace de récession mondiale.
Les responsables américains ont multiplié mercredi les avertissements quant à la baisse de la consommation des ménages -- la première depuis 1991--, la crise immobilière qui "n'a pas touché le fond" et la reprise qui "n'est pas pour demain".
A Bruxelles, au second jour de leur sommet, les dirigeants européens devaient appeler à une refonte du système financier mondial, avant une rencontre samedi avec le président américain George W. Bush à Camp David.
Après s'être entendus à 27 pour soutenir les mesures prises dimanche par les pays de la zone euro pour enrayer la crise financière, les Européens veulent profiter de leur nouvelle unité pour obtenir un "nouveau Bretton Woods" -- le sommet qui avait défini en 1944 un nouvel ordre financier mondial -- associant le G8 aux grandes économies émergentes.
A New Delhi, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud, réunis mercredi en sommet, ont fustigé les pays riches pour avoir provoqué la crise. Le leader cubain Fidel Castro s'en est pris aux "pays capitalistes européens", estimant qu'ils "ne sont pas en position pour imposer leurs conditions et solutions au reste du monde".
Les Européens veulent notamment s'attaquer aux paradis fiscaux, aux agences de notation et aux fonds spéculatifs. Londres et Berlin proposent aussi de réformer le Fonds monétaire international (FMI) pour lui donner un rôle de supervision mondiale.
Washington, d'abord réticent, est désormais d'accord sur le principe. Le G8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie) s'est dit favorable à une telle réunion de haut niveau "dans un avenir proche". Le président français Nicolas Sarkozy a suggéré que ce sommet mondial se tienne "de préférence à New York, là où tout a commencé".
L'Europe reproche aux Etats-Unis d'être en partie responsables de la crise financière après avoir refusé des années durant tout durcissement du contrôle des marchés financiers, au nom de la libre entreprise. Elle entend à présent peser de tout son poids pour obtenir des avancées au niveau mondial. "L'Europe présentera une vision commune et ambitieuse: nous ne voulons pas que ça recommence, nous voulons que des conséquences soient tirées de ce que nous connaissons", a souligné M. Sarkozy président en exercice de l'UE.
Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso et le Premier ministre britannique Gordon Brown ont également exhorté Washington à s'impliquer davantage pour améliorer la surveillance du système financier.
Les bourses européennes avaient déjà replongé mercredi -- de 6 à 7% de baisse à Londres, Paris et Francfort -- après le fort rebond de lundi consécutif aux 2.000 milliards d'euros mobilisés par la zone euro pour assurer la survie des banques et du système financier.
Mais ces mesures alimentent aussi la peur des investisseurs. Ainsi, trois grandes banques britanniques concernées par le plan de sauvetage (HBOS, Lloyds TSB et RBS) ont chuté mercredi à Londres, les actionnaires craignant de ne pas recevoir avant longtemps leurs dividendes.
La crise financière a également gagné la Suisse. Jeudi à Zurich, le gouvernement et la banque centrale (BNS) ont annoncé qu'ils allaient entrer au capital de la banque UBS à hauteur de 6 milliards de francs suisses et reprendre une partie de ses actifs jusqu'à 60 milliards de dollars. Crédit Suisse, deuxième banque helvétique, a annoncé une augmentation de son capital d'environ 10 milliards de francs suisses (6,5 milliards d'euros), alors que l'établissement affiche une perte nette de 1,3 milliard au 3e trimestre.
Conformément aux anticipations de récession, qui signifient moins de demande de pétrole, les cours du brut ont poursuivi leur baisse jeudi, le baril passant à Londres sous la barre des 68 dollars après un sommet à 147 dollars en juillet.