François Bayrou est de retour. Du moins, dans les débats socialistes. Après l’entre-deux tours de la présidentielle, après ceux des législatives et des municipales, voilà l’homme du Modem au centre de ceux du congrès du PS. Presque une habitude. Pour une fois, ce n’est pourtant pas par Ségolène Royal - arrivée en tête avec 29 % des suffrages socialistes - que le scandale centriste arrive. Mais par ses adversaires pour l’occasion associés, qui tentent d’ériger la question de l’alliance avec le Modem en casus belli susceptible de faire échouer le camp Royal dans sa conquête du parti.
C’est Bertrand Delanoë - grand perdant du scrutin du 6 novembre, quoiqu’arrivé en deuxième position avec 25 % des voix - qui avait donné le premier le ton, dans un communiqué rédigé dans la nuit de jeudi, après le vote : «Je crois plus que jamais indispensable de servir l’ambition d’un grand PS, authentiquement de gauche», écrivait le maire de Paris. Ce qui «exclut toute perspective d’alliance avec un parti qui ne s’assumerait pas clairement de gauche».
Roublards. C’est désormais au tour du camp de Benoît Hamon - quatrième avec 19 % des suffrages - de s’engouffrer dans la brèche. «Ségolène Royal porte peut-être l’aspiration au changement, mais aussi une ligne stratégique d’alliance avec le Modem et elle réunit à peine 30 % des voix», a déclaré, dans le Parisien, hier, Henri Emmanuelli, proche d’Hamon. Les autres motions, qui restent fidèles au rassemblement de la gauche, représentent 70 % du parti.» Et le député des Landes, qui «ne voit pas l’avenir du PS dans une alliance avec le centre droit», de proposer la constitution d’une triple entente Aubry-Delanoë-Hamon pour faire barrage à l’ex-candidate, expliquant que ceux-ci «sont d’accord sur l’essentiel : l’opposition à un contrat de gouvernement avec le centre».
Plus roublards, mais en embuscade pour installer leur championne sur la rampe de lancement du congrès, les partisans de Martine Aubry - troisième avec 24 % - ne sont pas clairement montés à l’assaut sur ce seul thème, la maire de Lille ayant elle-même ouvert sa majorité municipale au Modem. S’ils ont usé de l’argument, c’est en l’agrémentant de doutes savamment distillés sur l’incohérence supposée du camp Royal. «Nous sommes favorables à une rénovation qui ne soit pas une dénaturation du PS, de ses alliances, écrit sur son blog le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis. […] On avouera qu’entre ce que dit Manuel Valls et ce que propose Julien Dray, voire Vincent Peillon, il y a un gap que Ségolène Royal devrait clarifier pour faire une majorité.» Un partisan d’Aubry préfère ainsi mettre en avant, autant que la question du rapport à François Bayrou, le «côté incontrôlable» de Ségolène Royal : «Elle peut un jour amener un rugbyman au bureau national, faire un Zénith ou aller sonner chez Bayrou parce qu’elle trouve ça sympa !»
Hier, la principale intéressée jouait le contre, en expliquant que la question des relations avec le Modem «ne doit pas servir de prétexte» pour «justifier un refus de convergences». Du côté de l’équipe de Ségolène Royal, on a toujours, au chapitre centriste, crié au mauvais procès en expliquant que, loin de proposer un renversement d’alliances, on donnait priorité au rassemblement de la gauche. La motion E se borne d’ailleurs, prudemment, à proposer d’élargir celui-ci à «tous les démocrates qui partagent des valeurs communes avec nous.» Une position que le texte qui sera présenté demain doit préciser.
Habileté. Mais le piège est bel et bien tendu. «Soit Ségolène met de l’eau dans son vin sur le Modem, ce qui reviendrait à se déjuger, estime Bruno Julliard, proche de Hamon. Soit je ne donne pas cher de sa capacité à faire une majorité au PS.» Reste que la Poitevine, qui a à la fois de la ressource et une indéniable capacité de mouvement, n’en est plus à une habileté près. Commentaire d’un élu : «Elle est tout à fait capable de dire : "Il n’y a que ça qui vous gêne ? Mais ce n’est plus du tout de saison aujourd’hui !" Le parti vaut bien une messe…»