Une troisième force de neutralisation
Pour éviter un congrès de Rennes bis, les amis de DSK, Aubry et Fabius essayent de s’unir.
Ils se sont baptisés les «reconstructeurs». Mais leur dessein premier réside plutôt dans une déconstruction : celle du match annoncé entre Ségolène Royal et Bertrand Delanoë. «Substituer à la confrontation annoncée une rénovation partagée», c’est ce qu’ambitionnent les promoteurs de cet attelage quelque peu baroque entre sensibilités pas franchement copines à l’origine : strauss-kahniens, fabiusiens, amis d’Arnaud Montebourg, de Martine Aubry ou de Benoît Hamon.
«Ecuries présidentielles». «On veut faire prendre l’idée qu’un collectif pourrait se substituer à un premier secrétaire à vocation présidentielle», résume Jean-Christophe Cambadélis, lieutenant de Dominique Strauss-Kahn, qui a hier jugé «malvenue» l’initiative de Ségolène Royal. «Nous devons réussir à nous défaire des écuries présidentielles afin d’offrir autre chose qu’une prédésignation», rajoute Claude Bartolone, bras droit de Laurent Fabius. Entre les strauss-kahniens, qui cherchent à éviter l’éclatement de leur courant après le départ de leur patron au Fonds monétaire international (FMI), et les fabiusiens, soucieux de se désenclaver, les premiers contacts ont été pris début juillet, esquissés notamment au cours d’un déjeuner entre DSK et Laurent Fabius.
Là, remontent les prémices de cette «tentative de constitution d’une troisième force», cette «recherche d’un scénario alternatif à celui qui nous est imposé», résume Jean-Christophe Cambadélis. Et peu importe que pour les représentants de ces deux sensibilités, dont les leaders ont provisoirement pris de la distance - l’un à Washington, l’autre sur son Aventin normand - il s’agisse avant tout de préserver les chances de leurs champions respectifs pour 2012. L’argument avancé est évidemment celui de l’intérêt général. «Celui qui sera désigné à 60 % aura en tête la désignation pour 2012, alors que l’autre n’aura de cesse de tenter de l’affaiblir, prédit Claude Bartolone. Cela nous ferait passer à côté du travail de reconstruction du parti.»
«Envie d’essayer». Après un été fertile en coups de téléphone, vient à l’automne le temps des réunions associant, outre les partisans de DSK et de Fabius, ceux de Benoît Hamon et Arnaud Montebourg. Rendez-vous élargi en novembre, séminaire «au milieu des cartons» rue de la Planche à Paris, l’ancien QG de DSK en cours de déménagement, dîner au Sénat… Les conjurés ne sont pas d’accord sur l’Europe, le rapport au marché ou à la mondialisation ? Peu importe, car l’essentiel est ailleurs : l’empêchement et la neutralisation des deux présidentiables encore en piste. «Une équipe plurielle plutôt qu’un leader», plaident ces «reconstructeurs».
L’initiative peut-elle aboutir à une motion commune au prochain congrès ? «Je ne sais pas, reconnaît Claude Bartolone. Mais on a une vraie envie d’essayer.» En attendant, ils présenteront ce mois-ci un texte qui permettra de mesurer le «périmètre» de cette combinaison. Reste que nombre de socialistes doutent de sa consistance politique et de sa durabilité. Vincent Peillon, proche de Royal : «Cette initiative est sans souffle, sans portée. Les vieilles méthodes recommencent. Personne ne peut croire que Bartolone et Cambadélis peuvent porter la rénovation. Quant à utiliser Arnaud Montebourg en cache-misère, c’est désolant…» Harlem Désir, ami de Delanoë, confirme : «On ne peut continuer à mettre le PS en suspens parce qu’il y a 50 personnes à Paris que ça arrange. Pour ne gêner personne, on va mettre un intérimaire ? Ça n’a pas de sens.» Voilà au moins un point sur lequel les partisans de Royal et de Delanoë sont d’accord.