Ségolène Royal ne cesse d'essuyer les critiques sur une déclaration d'intention qui serait survenue trop tôt. D'autant que Bertrand Delanoë ne pourra se prononcer qu'après les élections municipales.
Pas une réaction positive n'est venue, au sein du PS, soutenir l'offensive de Royal. En revanche, nombreux sont ceux qui émettent des réserves.
UNE EXPRESSION sert de mise en garde contre l'affrontement entre deux poids lourds socialistes : «Deux trains lancés l'un contre l'autre.» Depuis que Ségolène Royal et, de façon moins ostensible, Bertrand Delanoë se sont mis en ordre de marche pour le prochain congrès, elle est de plus en plus reprise par les socialistes. L'ironie de l'histoire, c'est queRoyal est l'auteur de cette formule, en 1995, à propos de Lionel Jospin et Henri Emmanuelli.
Depuis qu'elle a affirmé, jeudi, qu'elle irait «jusqu'au bout de sa démarche» si elle est en capacité «de rassembler le PS», la Rue de Solferino s'agite. Et s'agace de cet empressement.
Beaucoup de socialistes préféreraient se concentrer sur les municipales de mars plutôt que de se diviser dès maintenant. «Dans ce parti, les élus locaux et les aspirants à le devenir n'ont pas envie de commencer l'année sur la personnalisation du congrès. Ils voudraient être plutôt totalement sur le terrain politique », assure le député de Seine-Saint-Denis Claude Bartolone. Pour le député européen Harlem Désir, proche de Delanoë, l'annonce de Ségolène Royal est «décalée par rapport aux préoccupations des Français: ils attendent que les socialistes soient une opposition unie, pas qu'ils se demandent qui fait quoi à l'automne 2008.» Il s'agace : «On ne va pas se laisser entraîner dans ce débat. » D'autant moins que son candidat, en campagne pour sa réélection à Paris, ne pourrait y rentrer pleinement qu'après les municipales…
«Les millions de voix qui se sont portées sur mon nom»
Le geste de Ségolène Royal n'a pour l'instant suscité que des réserves, pas de réactions positives. Après avoir ouvert les hostilités, jeudi matin, elle a donc demandé hier, dans Le Parisien, aux autres d'enterrer la hache de guerre : «Ce sont les polémiques entre socialistes qui nuiraient à la dynamique de la campagne municipale. Et je mets en garde ceux qui s'amuseraient, une fois de plus, à se tirer une balle dans le pied.» Son statut d'ancienne candidate à la présidentielle lui confère une légitimité qu'elle n'oublie jamais de rappeler : «Les millions de voix qui se sont portées sur mon nom au second tour de la présidentielle me donnent surtout des devoirs et une incontestable expérience.» Elle ajoute même : «Le travail politique doit d'abord se faire sur les idées. La question du leadership et de ma responsabilité se posera à ce moment-là.»
Dont acte. Mais existe-t-il des scénarios alternatifs au duel entre Bertrand Delanoë et Ségolène Royal ? Le premier secrétaire, François Hollande, qui doit faire sa rentrée jeudi, rêve d'une majorité large autour de Royal et lui, dans un premier temps, puis ouverte à Delanoë. Mais, depuis que l'idée a été évoquée, elle n'a pas trouvé d'écho, au contraire. Autour de lui, on confiait en novembre que le congrès «n'attendra pas » si « tout le monde veut en découdre». Bref, si, au lendemain des municipales, les couteaux sont sortis et ne peuvent plus être rentrés, le calendrier pourrait s'accélérer. Après les élections, le PS «pourrait être tenté d'aller à la force», remarque un membre de la direction, sans dire où elle se situera.
Quelques socialistes cherchent encore une alternative. Dans la deuxième quinzaine de janvier, des responsables aussi différents que Jean-Christophe Cambadélis (proche de Dominique Strauss-Kahn), Claude Bartolone (proche de Laurent Fabius), Benoît Hamon, Arnaud Montebourg ainsi que des proches de Martine Aubry comptent rendre public un texte sur leurs points d'accord et le sens qu'ils veulent donner au prochain congrès. Sur cette base, ils souhaitent rassembler ceux « qui n'ont pas envie d'un congrès de prédésignation ». Mais pour convaincre, ils devront aborder aussi la question du prochain premier secrétaire et trouver «un nom capable de rassembler». Claude Bartolone se donne jusqu'à la «fin janvier pour voir si cette vision a une chance de l'emporter