La "Sécu" propose de limiter le remboursement des traitements ALD
"Logique anti-sociale", "déclaration de guerre", "provocation": le directeur de l'Assurance-maladie Frédéric Van Roekeghem a provoqué mardi un tollé général des associations de malades, organisations de médecins, partis de gauche ou encore syndicats, en préconisant de ne plus rembourser qu'à hauteur de 35%, au lieu de 100%, les médicaments traitant les affections longue durée (ALD).
Selon la proposition du directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (UNCAM), les mutuelles rembourseraient le reste, avec le risque d'une hausse des cotisations pour les assurés.
Marchant sur des oeufs, le gouvernement jure que les malades continueront à être pris en charge à 100%, tout en ne fermant pas la porte à cette proposition. "Il faut préserver cette prise en charge à 100% des malades atteints d'une affection à longue durée", a ainsi promis mardi la ministre de la Santé Roselyne Bachelot, sans préciser si les dépenses seront supportées par la "Sécu" ou par les mutuelles.
M. Van Roekeghem propose également de revoir les conditions d'entrée dans le dispositif ALD permettant une prise en charge à 100%.
"La réglementation prévoit (...) que le dispositif est réservé aux maladies 'longues et coûteuses' ce qui n'est plus le cas notamment dans le domaine cardio-vasculaire. Il faut donc adapter les conditions d'entrée en ALD tout en développant la prévention", préconise ainsi Frédéric Van Roekeghem dans un entretien au journal "Les Echos" de mardi.
Quant aux médicaments, "nous proposons (...) de transférer aux organismes complémentaires le ticket modérateur des médicaments à vignette bleue, remboursés à 35%".
Le gouvernement ne prévoit "aucune remise en cause du remboursement à 100% des affections longue durée", a immédiatement assuré le ministre du Budget Eric Woerth mardi matin sur France Culture.
"Il faut garder un haut niveau de prise en charge solidaire", c'est à dire par l'Assurance-maladie et les assurances complémentaires, a promis de son côté Roselyne Bachelot, mardi après-midi lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale. "C'est ce que nous nous attachons à faire: il faut préserver cette prise en charge à 100% des malades atteints d'une affection à longue durée."
Les réactions ne se sont pas faites attendre. Dans un communiqué diffusé mardi, MG-France, premier syndicat de médecins généralistes, "dénonce la provocation du directeur de l'Assurance-maladie qui poursuit son oeuvre de mise à mal du système de santé solidaire".
"A quoi sert-il de payer en impôts et cotisations la Sécurité sociale, si même les plus malades ne sont plus couverts?", interroge MG.
"En France, 7,4 millions d'assurés sociaux, dont l'âge moyen est de 61 ans, sont atteints d'une ALD", rappelle de son côté la Confédération médicale hospitalière (CMH), pour laquelle "les déclarations du directeur de l'UNCAM sonnent soit comme un tocsin soit comme une provocation". Pour la CMH, "il remet en cause le pacte de solidarité face à la maladie et clairement organise la privation de soins".
Du côté des associations de malades, Act Up parle de "déclaration de guerre" et estime que "la fin de la prise en charge à 100% des ALD confirmerait la mort de l'Assurance-maladie".
Pour l'association de lutte contre le Sida, "Eric Woerth a beau démentir, nous ne sommes pas dupes: il s'agit bien là d'un ballon d'essai pour aller un cran plus loin dans le démantèlement des droits des malades".
"Le gouvernement s'attaque aux soins des personnes âgées et des malades gravement atteints", dénonce de son côté le Parti socialiste.
"Les patients directement ou à travers leurs mutuelles paieront ainsi pour des soins jusqu'ici totalement remboursés. La gravité d'une maladie n'est plus un critère de prise en charge totale des soins", poursuit le PS pour lequel "cette annonce met en cause l'égalité devant la santé, la politique de santé publique, et va réduire encore le pouvoir d'achat des plus fragiles".
"Si ces annonces devaient se traduire en mesures concrètes", estime enfin la CGT, "elles auraient des conséquences assurément néfastes pour les malades atteints de pathologies lourdes", écrit le syndicat qui parle de "propositions (...) insupportables".