Le PS ne sortira pas de la crise à Reims
Un congrès pour rien? Quel que soit le verdict de Reims, le Parti socialiste ne sera pas sorti de sa crise de leadership, de ligne politique et d'organisation, selon des universitaires interrogés par l'Associated Press.
Le constat est sans appel. Après ses trois défaites consécutives à l'élection présidentielle et malgré ses victoires à toutes les élections locales depuis 2004, le principal parti d'opposition est "complètement paumé", observe Gérard Grünberg, directeur de recherches à Sciences Po et au CNRS. "Il n'a pas de leader, pas de ligne politique. Il ne sait pas comment attaquer Sarkozy, il ne sait pas comment se définir dans la mondialisation, par rapport à cette crise, par rapport au capitalisme, au libéralisme, il ne sait pas même se définir par rapport aux institutions de la Ve République".
"Le PS n'arrive pas à se sortir de ses contradictions", estime Rémi Lefebvre, professeur de Sciences Politiques à l'université de Reims, qui voit quatre "crises de leadership, stratégique, idéologique, d'organisation", "toutes liées les unes aux autres".
LEADERSHIP
Depuis la "retraite" de Lionel Jospin en 2002, le parti de François Mitterrand n'a plus de leader incontesté et personne ne sort du lot. Ségolène Royal, qui aurait pu logiquement s'imposer après ses 17 millions de voix au second tour de la présidentielle, entretient toujours des relations difficiles avec le "vieux parti", à qui elle reproche de ne pas l'avoir assez soutenue pendant la campagne.
Certes, le PS aura un nouveau Premier secrétaire le 20 novembre, date à laquelle le successeur de François Hollande sera désigné par les militants. Mais même si Mme Royal est élue, les autres présidentiables n'abdiqueront pas. "Le problème de la présidentielle ne sera pas réglé avant la désignation du candidat en 2011", convenait récemment M. Hollande.
Le vote des militants, qui a consacré la dispersion du parti en quatre blocs (Royal, Delanoë, Aubry, Hamon), va encore compliquer les choses, avec le risque d'une cohabitation inédite entre le nouveau Premier secrétaire et le conseil national, qui rendrait le parti ingouvernable. La répartition des sièges au "Parlement" du parti se fait en effet au prorata des voix obtenues par les différentes motions, sans prime majoritaire. "Le PS risque de sortir du congrès avec un leader faible", prédit Rémi Lefebvre.
PROJET
Hormis la motion de Benoît Hamon, plus à gauche, les textes d'orientation de ce 75e congrès se distinguent peu, prônant peu ou prou la ligne sociale-démocrate qui est dans les faits celle du PS depuis 1983. Une ligne consacrée par la nouvelle déclaration de principes du parti, adoptée en juin. Le PS s'y assume comme une formation réformiste, partisane de l'"économie sociale et écologique de marché".
Mais la crise financière a amené les socialistes, à l'exception de Bertrand Delanoë, à gauchir leur discours, ramenant la confusion. "Le plus probable, c'est qu'encore une fois le PS ne va pas sortir de ses ambiguïtés: est-il un parti anticapitaliste ou qui veut réformer le capitalisme?", analyse M. Grünberg. "Dans la conjoncture actuelle, c'est plus facile d'avoir une majorité dite de gauche, même si ce n'est que des mots, que d'avoir une majorité réformiste".
STRATEGIE
La stratégie du PS pour reconquérir le pouvoir risque elle aussi de ne pas être clarifiée à Reims. Compte tenu de la faiblesse de ses alliés de l'ex-gauche plurielle (Verts, PCF, PRG, MRC), le PS doit se tourner vers l'extrême gauche et/ou vers le centre. Olivier Besancenot exclut toute alliance entre son Nouveau parti anticapitaliste et le PS. Reste le MoDem de François Bayrou. Ségolène Royal, qui avait courtisé le centriste entre les deux tours de la présidentielle, semble prête à recommencer. Tout en prônant le rassemblement de la gauche, sa motion juge "possible et nécessaire" une alliance avec "tous les démocrates qui partagent des valeurs communes" avec le PS pour le second tour des élections. Les autres motions excluent toute alliance avec le MoDem. Non sans hypocrisie, puisque certains socialistes la pratiquent au niveau local, comme Martine Aubry à Lille.
ORGANISATION
Devenu un cartel d'élus locaux préoccupés avant tout par leur réélection, le PS "ne travaille plus", constate M. Lefebvre. Entièrement tourné vers ses querelles internes, le parti est largement inaudible au niveau national.
La faiblesse du lien avec la société est souvent mise en avant. Le PS n'a jamais été un parti de militants. Moins de 130.000 adhérents ont voté pour le congrès de Reims. La généralisation de l'adhésion à 20 euros proposée par Ségolène Royal changera-t-elle la donne?
Le PS manque de discipline. A l'Assemblée, les consignes de vote arrêtées en réunion de groupe sont régulièrement violées par quelques individualités. En faisant campagne pour le "non" à la Constitution européenne malgré le vote majoritaire des militants en faveur du "oui", Laurent Fabius a ouvert une brèche. Depuis 2005, "la transgression est devenue la norme de comportement", déplorait récemment Jean-Marc Ayrault.
LE PS EST-IL MENACE DE DISPARITION?
Si des départs ne sont pas à exclure, notamment des amis de Jean-Luc Mélenchon, qui a claqué la porte pour créer un nouveau parti de gauche, le PS n'est pas menacé de disparition. "C'est le seul grand parti d'opposition. S'il a un beau leader, rien n'obère son avenir", conclut Gérard Grünberg. "Mais il faut qu'il apprenne à être un vrai parti présidentiel".